Les Concerts-Anniversaire des Concerts Gais

 Bigre, dix ans déjà qu’on joue ensemble aux Concerts Gais. Ca se fête ! Pour clore dignement notre première décennie, nous étions sur le pied de guerre depuis des mois : nous nous étions réparti des Missions de la plus Haute Importance, afin d’assurer la réussite de nos concerts-anniversaire. Rien ne devait être laissé entre les mains du hasard.

Certaines Missions requéraient des compétences très spécifiques : composer des bis, manutentionner des timbales, régler les coups d’archet sur les partitions des cordes. Gérer la billetterie. Négocier avec des membres du clergé adorables mais étourdis. Jouer Joyeux Anniversaire en mineur, au mélodica. Rédiger puis donner le discours d’anniversaire. En ce qui me concerne, j’étais bien lotie : mes Missions ne nécessitaient pas de qualifications particulières et se sont avérées – presque toutes – un plaisir à mener à bien.

Mission 1 : Rédiger les notes de programme.

Quelle mission plaisante ! Comment oserais-je me plaindre d’avoir eu à passer des pauses-déj’ allongée dans l’herbe à feuilleter la correspondance de Mendelssohn, une biographie de Bruch, les croquis écossais de Mendelssohn  ? Si j’ai été submergée par la quantité pléthorique de livres sur Mendelssohn, j’ai été très surprise de ne trouver qu’une seule biographie de Bruch à la médiathèque de la Cité de la Musique, qui dépérit, suffoquée entre des piles replètes d’ouvrages sur Brahms et Bruckner. Malheureux Bruch. Il mérite tellement plus de considération, si bien qu’on a commencé, en son honneur, le concert avec son concerto pour violon n°1- dont voici la notice.

Max Bruch (Cologne, 1838 – Berlin, 1920) Concerto pour violon n°1 en sol mineur op. 26 (1864-1868, création le 7 janvier 1868 à Brême)

Sans doute, le Concerto pour violon n°1 de Max Bruch voit le jour sous d’heureux auspices : c’est sous l’archet averti d’Otto von Königslöw, violon solo de l’Orchestre du Gürzenich, que la première version du concerto a été créée en 1866. Cette version ne satisfait pas le compositeur, qui s’embarque dans un grand chantier de réécriture, épaulé par le célèbre violoniste Joseph Joachim avec qui il entretient une correspondance nourrie, ainsi que par Ferdinand David, violon solo du Gewandhausorchester Leipzig, chargé de relire minutieusement la partie soliste et de confirmer sa jouabilité. Lors de la création en 1868 de la version révisée, le succès est immédiat : quelques semaines plus tard, le concerto est déjà joué par tout le gratin violonistique européen. « Le concerto commence une fabuleuse carrière. Joachim l’a joué à Brême, Aix-la-Chapelle, Hanovre et Bruxelles, il va le jouer bientôt à Copenhague, et au Festival de Cologne à la Pentecôte, ce qui me fait très plaisir. Leopold Auer le fait le 17 à Hambourg (…), Ludwig Straus en mai à Londres (..), Ferdinand David à Leipzig au début de la saison prochaine, Leonhard et Vieuxtemps, l’ont commandé — bref, ça avance brillamment ! »

Brillamment, brillamment…

Il semblerait en effet que toutes ces bonnes fées du violon penchées sur le berceau du concerto aient exigé un lourd écot en échange de ce succès.

De son vivant déjà, la notoriété de ce concerto éclipse celle de ses autres œuvres. En 1907, Bruch s’y résigne : « Brahms est mort depuis dix ans, et l’on continue à médire de lui, y compris les connaisseurs et les critiques. Je prédis cependant que sa réputation grandira avec le temps alors qu’aujourd’hui nombre de ses œuvres tombent dans l’oubli. Dans cinquante ans, il brillera de tous ses feux et sera considéré comme le compositeur le plus éminent de tous les temps. De moi, on se souviendra surtout pour mon Concerto en sol mineur. » Il ne se trompait pas.

Qui plus est, Bruch eut la mauvaise fortune de faire la connaissance des deux pires chipies de l’histoire de la musique classique : les sœurs états-uniennes Sutro, Rose et Ottilie, auxquelles il dédie son concerto pour deux pianos en 1912. Les deux s’amusent à réécrire les parties solistes, réviser l’orchestration, supprimer un mouvement par-ci par-là, et finalement déposer ce qu’il reste de l’œuvre à la Bibliothèque du Congrès. Alors que Bruch se retrouve sans le sou à l’issue de la première Guerre mondiale, il leur confie naïvement le manuscrit autographe du Concerto pour violon, afin qu’elles le vendent aux États-Unis et lui fassent parvenir le produit de la vente en dollars américains. Les deux fripouilles conservent le manuscrit par-devers elles, et se contentent d’envoyer quelques mark-papier à la descendance du compositeur. En 1920, l’inflation allemande était déjà suffisamment fringante pour assurer qu’un mark-papier mis au courrier de l’autre côté de l’Atlantique ne vaudrait quasiment plus rien en arrivant entre les mains du destinataire. Décidément, Bruch aurait dû accepter de vendre son manuscrit à Ysaÿe.

Il y avait ainsi quelque chose de poétique à l’idée de faire, à notre tour, appel à un violon solo d’orchestre. C’est donc Gentil-Prof, violon solo d’orchestre parisien, qui a assuré la partie soliste. Il nous a rejoint en répétition, une ou deux semaines avant les concerts, tout contrit d’avouer que, surchargé d’obligations chambristes, symphoniques voire lyriques, il n’avait pas travaillé le concerto.

A l’issue de la première répétition, un rapide sondage a montré que pas un seul musicien de l’orchestre ne l’a cru.
Pourtant, c’était vrai. Quel musicien !

Quelques jours plus tard, l’avant-veille de la générale, ‘c’est dans la boîte’, m’annonce-t’il, confiant. Je conte et reconte sur mes doigts. Mais il ne s’est écoulé entre temps qu’une poignée de jours. Pour assimiler un concerto entier ? J’enquête. Sans doute, il n’a besoin que de rafraîchir un concerto qu’il a travaillé pendant ses études ? Même pas, il ne connaît que le premier mouvement, étudié quelques décennies plus tôt. A la générale, je scrute le soliste, les oreilles grand ouvertes. Rien ne transparait. Rien ne laisse soupçonner que ce concerto n’est qu’une addition récente à son répertoire. On n’entend pas la moindre trace de fébrilité – pourtant les dieux de la RATP lui avaient joué un sale tour – alors qu’il est arrivé une demi-heure en retard à la générale, hors d’haleine, et s’est lancé dans le filage du concerto sans prendre le temps de se changer ou encore moins de se chauffer.
Quel musicien !

Au concert, mes amis dans le public me font un retour enthousiaste, ému, bouleversé. Quel musicien ! Ces impressions sont aussitôt rapportées à Gentil-Prof, qui après avoir bougonné qu’il n’y était pas pour grand-chose, que tout le mérite revenait à M. Bruch d’avoir écrit un concerto extrêmement chargé en émotions, s’est mis à énumérer les passages qu’il estimait avoir ratés.

A voir le niveau d’exigence déraisonnable que les grands musiciens s’imposent – du moins les deux-trois avec qui j’ai eu l’heur de papoter, c’est à se demander où ils trouvent la force d’âme pour continuer à exercer ce métier, malgré cette perpétuelle insatisfaction. C’est peut-être pour cela qu’on leur offre, après leur prestation, un petit cadeau. Le public pense sans doute qu’on les félicite, en réalité, on les console. Et remettre le Petit Cadeau au Soliste, c’était précisément ma Mission n°2.

Mission n°2 : Remettre un cadeau au soliste

Le soir de la générale, notre Régisseur Extraordinaire m’a annoncé être investie de cette mission. Quel privilège que de pouvoir témoigner du respect que lui porte mon orchestre adoré ! Quel privilège, de pouvoir à mon tour manifester mon admiration et ma gratitude à l’égard de ce violoniste hors du commun, pédagogue acclamé et ami précieux, qui de fil en aiguille est devenu celui qu’on appelle à la rescousse quand le ciel vous tombe sur la tête. C’est d’habitude la Mission d’une altiste, qui s’en est toujours magnifiquement acquittée. C’est loin d’être une Mission aussi simple qu’il y parait, allais-je apprendre à mes dépens.

Les cadeaux étaient censés arriver sur zone trois ou quatre minutes avant le début du concert. En deux minutes top chrono, il me fallait quitter mon poste à l’entrée de la nef de l’église (une mission annexe, les programmes n’allaient pas se distribuer au public tous seuls), récupérer le cadeau, le dissimuler derrière un pilier du transept, filer poser ma pile de programmes dans la sacristie, y récupérer et accessoirement, accorder Pépé-le-Crincrin, et enfin rejoindre au petit trot les autres adeptes de Secondviolonisme dans le déambulatoire. Après le concerto,  ne me restait plus qu’à bondir après les saluts et bis du soliste, adroitement récupérer le cadeau d’une main – Pépé et l’archet sont dans l’autre – contourner le premier pupitre de second violons sans trébucher dans ma robe longue, et remettre le cadeau à son destinataire.

Le premier soir, j’essuie un échec retentissant. Alors que je pense disposer d’une vingtaine de secondes pour réagir, nos soliste et chef se contentent de saluts expéditifs, il n’y aura pas de bis, et je suis encore en train de farfouiller derrière le pilier que la moitié de l’orchestre a déjà levé le camp.

Hors de question d’être à nouveau prise au dépourvu le lendemain.

Le premier rang des seconds violons et des altos est invité à se décaler un petit peu à droite, un chouïa à gauche, afin de me laisser un couloir de passage.
Le premier violon solo de l’orchestre a pour consigne d’empêcher à tout prix le soliste de décamper. Quitte à employer des méthodes créatives.
Mon confrère en troisième ligne me tendra le cadeau, qui attend son heure, blotti contre son pilier. On gagnera un précieux dixième de seconde.
Le chef, mis dans la confidence, promet de me faire signe au bon moment. Il m’adresse un joyeux geste d’arbitrage rugbystique ! C’est le signal !

Mon collègue me passe le cadeau d’un geste précis. J’analyse en une fraction de seconde les différentes trajectoires possibles. J’abandonne mon poste en deuxième ligne, m’engouffre dans l’intervalle altos-seconds, raffute un archet qui tente d’interrompre ma trajectoire et aplatis triomphalement le cadeau dans les bras de Gentil-Prof.

Mmmh. Intéressant. Ca se mange, ou se boit ?

Je m’apprêtais à profiter de l’entracte pour me remettre de mes émotions, pourquoi pas accorder Pépé-le-Crincin, quand soudain, un violon me tire par le coude. Klari ! Klari ! Faut que je te présente quelqu’un, vous allez bien vous entendre, viens ! Effectivement, après avoir chanté de concert les louanges de Gentil-Prof, mon nouvel ami et moi échangeons des précieux souvenirs de concert. Il a traîné ses savates à Ravinia, moi un peu plus près d’ici, à Vienne. Harnoncourt ceci, Tartempion cela, le café au lait viennois, et donc, vous faites quoi dans la vie ?

« – …. je suis musicologue. Je rédige des notes de programme pour le CSO, par exemple.
– C’est vrai ? Pour Chicago !? Génial ! J’en ai lu quelques unes, d’ailleurs. Moi, j’écris celles des Concerts Gais.
– J’écris aussi de temps en temps des articles dans Clapason.
– C’est vrai ? Fantastique ! Moi, j’écris des chroniquettes, vous savez.
– … ? Et je viens de terminer un bouquin sur Mendelssohn, qui va être préfacé par …
– C’est vrai ? Mais, il faut que j’aille le jouer, d’ailleurs. Il faut que j’enfile mon écharpe et… Où est mon écharpe ?! Vous croisez les doigts très fort, hein ? Vous pouvez lire la petite note de programme en attendant, si vous voulez. Mon écharpe, ciel ! Oh, mon écharpe ! »
Et je pars en courant à la recherche de mon écharpe, sans réaliser l’inanité de mes répliques, ni percuter qu’on va jouer le Mendelssohn devant un authentique expert. J’ai des urgences pressantes, moi. Mais où est passée mon écharpe ? 

Felix Mendelssohn (Hambourg, 1809 – Leipzig, 1847) Symphonie n°3 en la mineur op. 56 (1829-1842, création le 3 mars 1842)

« je veux dessiner chaque jour, afin d’emporter avec moi les croquis des endroits dont je désire conserver le souvenir » F.M.

Debussy a écrit, à propos de Felix Mendelssohn, qu’il n’était guère qu’un « notaire élégant et facile ». La seule explication raisonnable à cette remarque ne peut être que la jalousie. On ne peut en effet qu’être envieux de cet homme si bien entouré et multipolytalentueux : il dessine – ses croquis écossais sont délicieux, il lit couramment le grec et le latin – moins aisément que sa sœur Rebecka paraît-il –, il a suivi les cours d’esthétique de Hegel à l’Université de Berlin, il a étudié le piano avec Ignaz Moscheles, sa maman est une élève d’un élève de J. S. Bach et il serait plutôt bon nageur.

On lui doit aussi le système de repères dans les partitions qui permet aux musiciens et au chef d’orchestre de dialoguer de manière à peu près constructive en répétition : « on reprend à la troisième de L. comme Ludivine, s’il vous plaît ».

Plus surprenant, Mendelssohn joue de l’alto.

Si l’on voulait chercher la petite bête, on pourrait lui reprocher d’avoir un peu lambiné : entre son voyage écossais et la création de sa symphonie « Écossaise », 13 années se sont écoulées. Tout commence lors de son voyage en Écosse, en 1829, alors qu’il visite avec son ami Klingemann la chapelle du palais de Holyrood : « le toit de la chapelle a disparu, il n’y a plus que de l’herbe et du lierre, et c’est sur ce vestige d’autel que Mary (Stuart) a été couronnée reine d’Écosse. Tout, autour, est délabré et croulant sous un ciel éclatant. Je crois bien y avoir trouvé le début de ma symphonie écossaise ». Pendant la décennie suivante, Mendelssohn est occupé ailleurs. Le dossier écossais n’est rouvert qu’au début des années 1840, mais il s’y consacre dès lors d’arrache-pied : la symphonie est achevée en janvier 1842 et créée peu après à Leipzig.

Étrangement, Mendelssohn n’est plus jamais retourné en Écosse après son voyage de 1829. Il est pourtant revenu régulièrement en Angleterre, entre autres à l’été 1842, pour diriger la création anglaise de l’Écossaise. Quelques jours plus tard, début juillet, la reine Victoria et le prince Albert l’invitent à une schubertiade de luxe à Buckingham Palace : la reine chante, accompagnée par Mendelssohn à l’orgue – le prince Albert lui tire affablement les jeux. À cette occasion, la reine lui confie particulièrement affectionner son lied Italien. Mortifié mais sans mesquinerie, Mendelssohn lui avoue qu’il s’agit d’une composition de sa sœur Fanny, et dans la foulée, demande à la souveraine la permission – accordée – de lui dédier l’Écossaise.

Mission 3 : les écharpes

Quelqu’un, je ne sais plus qui, avait émis l’idée en CA qu’il serait amusant de jouer l’Ecossaise avec des écharpes écossaises autour du cou. Nous avons unanimement voté pour, avant de débattre avec animation de la couleur de tartan la plus appropriée. Mckenzie, McLeod, Menzies ?

Le Grand Mercier et moi nous étions naïvement portés volontaires pour découper le tissu et ourleter les écharpes. Le président s’est fait une joie d’aller acheter un demi-quintal de tartan au marché St-Pierre avant de nous le confier avec un sourire taquin. A vous de jouer, maintenant ! Guère qu’une petite centaine de mètres d’ourlets à coudre chacun. Nous passons des soirées, des nuits, courbés devant nos machines à coudre, les yeux clignotant, le dos endolori. Tout ce temps, mes partitions se morfondent sur le pupitre, délaissées, ignorées. Pépé m’adresse des reproches silencieux, les ouïes chagrines. Parfois, nous interrompons notre labeur par un petit point téléphonique, pour se donner du cœur à l’ouvrage.

« – Tu les fais comment tes ourlets ? J’ai essayé de trois façons différentes. Petit un, en préparant l’ourlet au fer, comme un pro. Ca prend trop de temps. Je vais être mort avant d’avoir terminé. Petit deux, en pliant le double ourlet directement sous l’aiguille. Ca va, mais je stresse à mort. Je vais être mort d’anxiété avant d’avoir terminé. Petit trois, avec le pied ourleur. C’est rapide, mais les finitions sont dégoûtantes. Mais je me dis, que pour un accessoire qui va mourir au fond d’un tiroir, c’est très bien. Tu en penses quoi ?
– J’ai arrêté de penser il y a plusieurs écharpes. »

A la première écharpe, j’avais arrêté de préparer l’ourlet avec des épingles.
Après la deuxième, le fer à repasser est retourné hiberner dans l’armoire.
A la troisième, j’ai commencé à ignorer les petits fils qui dépassent. Les couper ? A quoi bon.
A partir de la quatrième, je me contentais de laisser partir un boudinet grossier de tissu dans la direction générale de l’aiguille.
A la cinquième, j’envisageais de braquer un atelier de couture et d’y prendre une piqueuse industrielle pour remplacer ma machine à coudre, cette espèce de moule à gaufres anémié à roulettes.

Et c’est ainsi qu’à l’entracte, au lieu d’appréhender la symphonie-marathon qui nous attendait, les copains de l’orchestre se sont amusés comme des petits fous à imaginer des façons astucieuses de porter leur écharpe. Chez les premiers violons, l’élégance prévaut, l’écharpe est portée autour de la taille, façon cummerbund. Certains seconds optent pour le port en diagonale, dans un souci d’authenticité. Au loin chez les basses, une fée écossaise. Un alto-pirate à ma droite.

Détendus et joyeux, nous étions armés pour affronter le Monstre Symphonique. C’était un pari osé, nous faire jouer l’Ecossaise, une œuvre nettement au-delà des possibilités techniques, si ce n’est athlétiques, de l’orchestre. Miraculeusement, le thème du premier mouvement – celui qui croule sous un ciel éclatant – passe tout seul, à peine coloré d’un léger flageolement attendrissant. Alors qu’il était encore ignominieux deux jours plus tôt lors de la générale. Les premiers et les seconds violons restent soudés – je réussis même ma petite incursion en quatrième ! A nouveau un miracle, le second mouvement résiste vaillamment à nos tentatives ingénues de sabotage. Quelques embardées ici et là, mais personne ne part dans le décor. Logiquement, le fugato (qu’est ce qu’ils ont tous, à mettre des mouvements fugués partout, enfin ?!) aurait dû avoir notre peau, nous arrivons pourtant tous sensiblement en même temps à la fin du passage. Et à la fin de l’Allegro maestoso, les archets encore en suspens au-dessus de nos têtes, nous échangeons des regards stupéfaits. Non, vraiment, on a réussi ? Tous les mouvements ? Les deux soirs ?!

Quelques semaines plus tard, on continue de s’interroger sur les causes de cet improbable miracle. Certains l’attribuent à la solidité de nos chefs de pupitre. Au travail individuel. Au talent du chef. A la disponibilité de Sainte Rita, qui n’aurait rien eu de mieux à faire ce week-end. Or, Le Grand Mercier et moi, nous savons.

C’était les écharpes.

Mission 4 : Participer au rangement de la salle

Notre mission – musicale – est accomplie, mais il reste encore quelques corvées. Remettre les rangées de chaises et de prie-Dieu à leur place, rapatrier le lutrin… J’avais beau être dans l’escadrille de manutentionnaires, je me suis esquivée à l’anglaise pour papoter avec les amis et collègues qui attendaient patiemment que j’arrête de papillonner.

M’approchant de mon petit groupe de spectateurs, je m’arrête, frappée. Il y a là des amis d’horizons généreusement variés : mon énarque de sur-sur-cheffe, la gérante du petit troquet où je prends souvent mon café le matin, l’assistant d’un collègue dont c’est le tout premier concert de musique classique, l’amie fidèle qui est héroïquement venue écouter tous mes concerts depuis 2008.. Jouer l’Ecossaise n’est assurément pas le seul exploit qu’ont réalisé Les Concerts gais, ce jour-là. Nous avons réussi, sans le faire exprès, à faire venir de « nouveaux publics » sur les bancs inconfortables de notre église. Et ils sont venus, innocemment, sans a priori, avec l’ambition simple de passer un bon moment. Si les bancs sont durs, le cadre est beau et accueillant – moins intimidant que certains haut-lieux parisiens de la musique peut-être ; les conversations à l’entracte sous les arbres de la cour intérieure – animées et chaleureuses ; notre soliste – prodigieux. Certainement les conditions idéales pour se laisser séduire par la beauté de la musique, pour mieux y revenir, par la suite ? Après tout, c’est déjà à cause des Concerts Gais que mon chef est en passe de devenir un mélomane acharné. C’est peut-être un des rôles qu’a à jouer la pratique musicale amateur, allez savoir…

En ce qui concerne la dimension musicale, je n’ai pas recroisé notre expert-ès-Mendelssohn, à la sortie. Mais il a peut-être aimé, qui sait ?

De gigantesques mercis à E. pour le soutien psychologique, V. et E. pour les relectures avisées, Gentil-prof pour tout, Ilsa Leeb, les copains qui sont venus jouer et les copains qui sont venus écouter

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