En mars, je n’ai pas beaucoup fréquenté les salles de concert. J’ai plutôt consacré mes soirées à éplucher les trop nombreux journaux auxquels j’ai souscrit un abonnement. Je ne sais toujours pas comment apprivoiser la culpabilité qui vient avec ce privilège. Écouter des belles choses alors que des millions d’enfants sont venus grossir les rangs des réfugiés en à peine quelques semaines..
On avait, avec Lars Vogt, un chef qui avait pris très clairement position le 24 février au matin, un orchestre qui avait aussitôt relayé sur twitter les propos de son directeur musical sans « attendre d’éventuelles consignes du gouvernement », un fantastique soliste qui avait été manifester avec une centaine de milliers d’autres berlinois contre l’invasion russe le 26 février. Et des recettes de billetterie que l’orchestre avait souhaité entièrement reverser à Emmaus. Pour aller à ce concert, je n’ai pas eu à négocier longtemps avec ma conscience.
(En vrac : l’orchestre joue debout pour la sérénade pour cordes, ce qui leur va très bien. Je n’exclus pas que Lars Vogt ait profité du bis de violoncelle pour relayer quelques articles de plus sur la guerre en Ukraine sur les réseaux sociaux. Et Alban Gerhardt, qui doit être un des violoncellistes avec qui j’ai passé le plus de temps cette saison – tout Bach ! Les deux Saint-Saëns ! – ne cesse de m’épater chaque fois un peu plus. Ce naturel, cette simplicité de phrasé : comme une évidence, à chaque fois !)
Théâtre des Champs-Elysées, 10 mars 2022 Orchestre de Chambre de Paris, Lars Vogt (direction), Alban Gerhardt (violoncelle) Prokofiev, Symphonie n° 1 op. 25 « Classique » Tchaïkovski, Sérénade pour cordes op. 48 Chostakovitch, Concerto pour violoncelle n° 1 op. 107 bis : Bach, Suite n°6, Prélude |