Trombone au microscope

Le léger haussement de sourcil de l’ouvreuse semble confirmer que que mon choix de place est franchement discutable. Au beau milieu du premier rang de parterre pour écouter un concerto pour trombone. Face au pavillon de l’instrument, je sais mes tympans bien vulnérables. Sans parler des aérosols..

Trombonistiquement et musicalement, l’idée n’est pas si mauvaise. Là d’où je viens, en orchestre amateur, on ne côtoie quasiment jamais de trombones. Le tromboniste, le plus souvent une connaissance du chef d’orchestre, se matérialise la veille du concert, joue les douze « PON ! » que la partition lui réserve, puis disparait. C’était ainsi une occasion rare et précieuse d’en observer un de près. Et pas des moindres, puisque l’ONDIF avait emprunté le trombone solo de leurs augustes confrères de l’Orchestre du Concertgebouw : Jörgen van Rijen.

C’était un soliste de tout premier choix pour la création française de ce concerto de Bryce Dessner, qu’il a si bien défendu qu’on en a redemandé avec insistance. Et nous avons été gratifiés d’un beau morceau pour trombone seul, composé par van Rijen lui-même, gouaillant et enlevé, où l’instrument chante, vrombit, hulule. Et se conclut sur un Prrrroût malicieux qui fait glousser la violon solo de l’orchestre.

Pendant l’entracte, je continue de m’interroger, perdue dans la contemplation du lac qui s’est formé aux pieds du tromboniste. Avez-vous déjà remarqué, au bout de la coulisse, la petite clé qui permet au liquide accumulé dans la coulisse de s’écouler ? De la bave de cuivre ? Les cuivres du monde entier vous affirmeront catégoriquement qu’il s’agit de condensation. Aurais-je du opter pour un masque FFP2 ? 

Pour des raisons évidentes, de nombreux orchestres ont récemment planché sur les risques intrinsèques aux instruments à vent. En particulier celui de Bamberg, en Allemagne, et celui du Minnesota. A Bamberg, ils se sont essentiellement penché sur le volume et la vitesse du déplacement d’air au niveau du pavillon des instruments à vents, sans s’attarder sur la quantité d’aérosols produites. En revanche, l’orchestre du Minnesota, a étudié la quantité d’aérosols générés par une sélection d’instruments à vents. Sans omettre de croiser avec des combinaisons de dynamiques et d’articulations différentes. Le trombone ? Les résultats sont mitigés, mais l’instrument demeure moins inquiétant que la trompette, grande perdante de l’étude. Et le plus COVID-compatible des vents ? Le tuba ! L’eau ayant tout le temps de se condenser en cheminant dans les méandres de l’instrument, de l’embouchure au pavillon. Pas de vapeur d’eau, pas d’aérosols, pas de contamination. En somme, mieux vaut programmer ces temps-ci un concerto pour tuba plutôt que la Sinfonietta de Janacek et sa horde de trompettistes. Ce qui tombe plutôt bien, Wynton Marsalis vient d’achever un concerto pour tuba pour l’extraordinaire tubiste de l’orchestre de Philadelphie, Carol Jantsch. J’espère qu’un orchestre dans les parages le programmera !


Saines lectures :


Philharmonie de Paris, Orchestre National d’Ile de France. 30 novembre 2021.
Jörgen van Rijen, trombone
Ryan McAdams, direction
Bryce Dessner, concerto pour trombone (création française)
Schreker, Kammersymphonie
Beethoven, Symphonie n°5

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