Bach Sei Solo

Un jour, à l’issue d’un concert, j’ai vigoureusement houspillé un violoncelliste qui s’était contenté de jouer une demi-intégrale des Suites. Ben quoi ? C’était écrit « Suites de Bach», sur l’affiche du concert ! Ni « Sélection de Suites », ni « Suites, les impaires ». Il m’avait regardée avec de grands yeux effarés, avant de tenter de m’expliquer la pression subie par le musicien qui s’attaque à une intégrale en concert. Je n’avais été que modérément convaincue, d’autant plus que j’avais remué ciel et terre pour aller écouter ces Suites. Et que je le savais par ailleurs tout à fait capable de jouer les six à la suite.
 
Une autre fois, je mentionnais à Gentil-Prof un inoubliable récital d’Isabelle Faust : Sonates et Partitas, au Théâtre des Champs-Elysées, au printemps 2019 : « Les Six ?! Tu es sûre ? Jamais essayé, seulement la 1ère sonate, il y a longtemps, et plus récemment les 1ère et 2ème partita, et c’est déjà une performance. En général, on partage l’intégrale en deux soirées. La totale est sûrement possible, mais c’est probablement un peu monstrueux, notamment pour la main gauche ! Effet hypnotique…? »
 
Dûment édifiée, je n’ai été rien moins que sidérée quand j’ai lu sur le site du Théâtre de la Ville que Jennifer Koh s’attaquait à l’intégrale des Sonates et Partitas. Dix soirs d’affilée. 
 
Sans doute, il faut s’accompagner d’un excellent kiné – rompu aux spécificités du violon pratiqué à niveau olympique – ainsi que d’un luthier de confiance. Manger équilibré et bien dormir. Mais le reste demeure bien mystérieux : que se passe-t’il chez le musicien qui s’embarque dans un tel voyage ? Est-on le même musicien à l’issue de ces 10 jours ? Que découvre-t’on au cours de cette immersion solitaire dans les Sonates ? J’ai beau être accompagnée d’une équipe de gentils-profs, luthiers et de kinés de haut vol, moi, je n’en saurai jamais rien.. A défaut de pouvoir me plonger dans la Pensine Musicale de Kennifer Koh, j’irai de nouveau écouter les Sonates jeudi. Et j’ai bigrement hâte.