Chostakovitch par N. Altstaedt, deux jours après les premiers bombardements.

Je ne sais pas d’où venait cet automobiliste, petit drapeau jaune et bleu suspendu au rétroviseur, plaques d’immatriculation ukrainiennes, qui s’est arrêté au passage protégé de la gare. Ni où il allait. Ni quand, ni pourquoi. Avec qui, ou sans qui ? 


Je ne sais pas si Nicolas Altstaedt a pensé à ses confrères violoncellistes. A Paul Tortelier, qui avait refusé de jouer aux Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam. Aux larmes de Rostropovitch, , quelques heures après le début de la répression du Printemps de Prague, aux Proms de 1968. A Casals, peut-être. Après le concerto de Chostakovitch, Altstaedt est revenu sur scène nous dire que même si la langue qu’il est la sienne, est la musique, il lui est ce soir impossible de se taire et de ne pas dénoncer l’horreur de l’attaque russe. 


Je ne sais pourquoi la jeune russe dans la queue des sanitaires a soupiré « O gospodi » à son ami. Il mentionnait les « ukrainskie druzya » à qui le concert était dédié. Etait-ce un « gospodi » écœuré ou inquiet ? Inquiet pour leurs amis ukrainiens. Ecœuré par la « propagande occidentale » ? Un bruit de chasse d’eau m’a empêchée d’en savoir plus. 


Je ne sais pas où l’automobiliste ukrainien a trouvé la patience d’attendre. Que je dévisage sa plaque d’immatriculation. Que j’hésite, incapable de me décider entre un sourire, un signe de la main, un hochement de tête, ou rien. Je me demande encore si ce n’est pas son absolution que j’espérais, moi la Marie-Antoinette allant se bâfrer de musique et de brioche. J’ai me suis contentée de traverser la route en hâtant le pas. Pour éviter de le faire attendre encore plus.


(En d’autres temps, j’aurais parlé des harmonies à la Tex Avery et du contrepoint qui part dans le décor de la Battalia de Biber, des chaussettes de Nicolas Alstaedt, de l’époustouflant concerto – sans chef, en chaussettes, avec enfin, le cor solo à la place qui lui est due, du Veress jubilatoire dirigé du tabouret de 1er violoncelle et des pizz’ Bartók 250 ans en avance. J’en retiendrai surtout le souvenir du 2nd mouvement du concerto, mélancolique et poignant).

Samedi 26 février 202, Maison de la Radio
Philharmonique de Radio-France, Nicolas Altstaedt (violoncelle et direction)
Chostakovitch, Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1
Veress, Danses de Transylvanie
Biber, Battalia en ré majeur
Haydn, Symphonie n° 103

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