Huit violoncelles au Parc Floral

La Musique Classique fait son cinéma au Parc Floral. Huit violoncelles. Pourquoi huit, je ne sais pas. J’ai longtemps cru que 12 était le nombre magique pour les ensembles de violoncelles : les 12 Violoncelles du Philharmonique de Berlin, les 12 Budapestois, etc, etc. Mais huit, c’est bien sûr plus commode pour les écouter à tour de rôle, et essayer d’identifier le Violoncelle-Chouchou-Adjoint*.

La concurrence pour le poste est rude. Pourquoi pas Nadine Pierre, de Radio-France (que vous pourrez retrouver au premier rang des violoncelles dans cette superbissime version du concerto pour violon de Brahms), ou Emmanuelle Bertrand, qui jouent toutes deux somptueusement ? Petit plus, Emmanuelle Bertrand ne se départit pas d’un sourire radieux, mis en valeur par un très joli rouge-à-lèvres.

Un autre concurrent sérieux : Emmanuel Gaugué, dont je ne suis pas prête d’oublier le fa-bu-leux solo dans l’Andante du concerto pour piano n°2 de Brahms, avec l’Orchestre de Paris. Pauvre M. Gaugué, contre qui s’acharnent de facétieuses pinces-à-linge, qui font chuter ses partitions, et qui est de plus oublié lors des saluts à la fin du concert, alors que l’un des membres de l’ensemble présente un-à-un presque tous ses collègues.

Ou Xavier Philliiiips, Phillips, officiellement détenteur du titre de Violoncelle-Chouchou-Principal, depuis un concert Britten-Dutilleux-Kodály aux Abbesses. Position renforcée par l’improbable bis de novembre dernier à Pleyel (mais qu’est-ce que ça pouvait bien être ?), mais fragilisée toutefois par le refus catégorique de ce musicien de mettre à jour son calendrier de concert sur son site internet.

Roland Pidoux ? Après tout, on doit toutes les transcriptions entendus ce jour-là à son imagination fertile et ses rêves farfelus : Carmen chantée par des personnages-violoncelles, j’adore. La courte présentation en début de concert nous précise que Roland Pidoux est le « roi de la transcription ». Si je ne fréquente pas assez l’aristocratie de la transcription pour me permettre d’infirmer ou de confirmer cette assertion, je dois avouer avoir été éberluée des possibilités d’un ensemble de violoncelles. Je n’imaginais pas la variété des timbres de cet instrument – du grognement caverneux aux aigus de rossignol (je suis mortifiée de l’admettre en public, mais je trouve les aigus du violoncelle beaucoup, beaucoup, plus beaux que ceux d’un violon). Je n’imaginais pas non plus à quel point la polyphonie restait audible.
Par ailleurs, Roland Pidoux campe une Carmen époustouflante, qui ferait se pâmer n’importe quel Don José normalement constitué.

Raphaël Pidoux, le fils du précédent (la présence de deux « R. Pidoux » sur l’affiche du concert n’était donc pas un gag), un des personnages principaux de l’avant-dernière chroniquette sur ce blog. A son propos, au lieu de vanter son impeccable technique de tournes-de-pages, je me contenterai de vous suggérer (de vous ordonner) d’écouter cette vidéo. Oh oui !

J’avoue à ma grande honte n’avoir jamais entendu parler avant ce concert d’Eric-Maria Couturier, prétendant plus que légitime à un poste de Chouchou. Voire à plusieurs postes cumulés, ce violoncelliste, par ailleurs brillant percussionniste, s’intéresse à la musique indienne (hiii), à la musique contemporaine, à la relation danse/musique (pour Grignotages, ça).

Last but not least, François Salque, dont l’époustoubourriffant solo dans le Sempre Libera provoqua une telle bouffée d’enthousiasme qu’il me fallut aussitôt envoyer d’énergiques coup-de-coude dans les côtes de mon voisin. C’est lui qui, si mon analyse de la situation est correcte, sut résoudre la Crise du Deuxième Bis : fast-forwardons un petit peu jusqu’à la fin du concert. Saluts. Applaudissements. Re-Saluts. Un Verdi en bis. Saluts. Applaudissements. Les violoncelles font mine de quitter définitivement la scène. Grognements boudeurs du public, indécision chez les violoncelles, qui, sans autre bis à nous proposer, organisent sur-le-champ une réunion de crise en bordure de scène. Demi-tour, retour sur scène. Cris de joie du public. Sur les pupitres, le Chant des Oiseaux de Pablo Casals, que François Salque avait du garder dans sa besace après l’avoir joué ailleurs quelques jours plus tôt : deux ploums et trois schkrouiks pour les sept autres violoncelles, et le solo est joué par François Salque. Pas une mouette, pas un bambin, pas une ambulance ne moufte, et c’est dans un silence ébloui que le public attend spontanément que la dernière note ait fini de vibrer avant d’applaudir.

En somme, un superbe ensemble, que j’ai hâte de ré-écouter. Quand, comment, je ne sais pas, je ne suis pas autorisée à consulter leur page sur l’organisme qui les représente (décidément !)

*sachant que le poste de Violoncelle-Chouchou-Principal est depuis longtemps occupée par Xavier Phillips
**Entre R. Pidoux qui oublie son huitième collègue, F. Salque qui affirme sur son site jouer le 30 septembre au Châtelet (aïe, aïe, aïe, il joue en fait au Théâtre des Champs-Elysées), X. Phillips qui oublie de mettre à jouer son calendrier de concerts, j’en viens à me dire que les violoncellistes sont encore plus étourdis que les altistes.
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Aussi : Joël

Les Violoncelles Français : Roland Pidoux, Raphaël Pidoux, Nadine Pierre, Xavier Phillips, Eric-Maria Couturier, François Salque, Emmanuelle Bertrand, Emmanuel Gaugué
Bach, Toccata et fugue en ré mineur (Fantasia) // Bizet, Carmen (extraits) : Prélude – Habanera – Seguedille – Entracte – Air tzigane // Mahler, Symphonie n°5, Adagietto (Mort à Venise) // Verdi, La Traviata (extraits) : Introduction – Brindisi – Sempre Libera
Transcriptions par Roland Pidoux

4 commentaires On Huit violoncelles au Parc Floral

  • Quand, comment, je ne sais pas, je ne suis pas autorisée à consulter leur page sur l'organisme qui les représente (décidément !)
    Je viens d'essayer de m'inscrire à leur newsletter, et j'ai immédiatement reçu ce message d'erreur :
    <contact@lesvioloncellesfrancais.com>:
    213.186.33.29 does not like recipient.
    Remote host said: 550 sorry, no mailbox here by that name (#5.1.1)

    Humpf…

  • Héhéhé !

    Dans le même ordre d'idées, j'ai fini par trouver sur Internet que X. Philliiips jouait souvent dans le cadre des 'Concerts de Poche' (www.concertsdepoche.com), dont les concerts, bizarrement, ne figurent pas dans les résultats de recherche Google.

    (c'est bizarre)
    (il y a sûrement un complot anti-Microsoft et anti-Apple là-dessous)
    (forcément les soviétiques)
    (hum)

  • Iiiil fait aussi un concert « Parfum de scandale » à Saint-Quentin-en-Yvelines (zut, j'ai déjà une Turangalîla de prévu ce jour-là). S'il est si mal référencé sur Internet, faudrait faire gaffe : si ça se trouve, un jour quand on tapera « Xavier Phillips » dans Google, celui-ci proposera d'« essayer avec l'orthographe "Xavier Philliiips" » et le plus amusant est que ça permettrait d'avoir des informations plus à jour 😉
    La vidéo Eric-Maria Couturier en percucelliste est impressionnante (et encore plus si on la compare avec d'autres enregistrements de la même œuvre).

  • un jour quand on tapera « Xavier Phillips » dans Google, celui-ci proposera d'« essayer avec l'orthographe "Xavier Philliiips" »

    Ce serait si flatteur ! Imagine un peu, mon blog deviendrait LA référence en termes de Xavier Phillips 🙂

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